La déstructuration des catégories-phare des boissons non alcoolisées a laissé place à de nouveaux produits plus en accord avec les comportements de consommation contemporains.
Le marché des BRSA est en tension : les promesses de rafraîchissement et de plaisir ne suffisent plus aux consommateurs qui souhaitent aussi des produits sains et responsables, ces préoccupations étant nourries par des réglementations et autres recommandations du Gouvernement sur la nutrition, tout comme sur la transition écologique. Le message est en effet manifestement passé : 80 % des Français établissent aujourd’hui un lien fort entre l’alimentation et la santé. Autre indicateur donné par une étude de Kantar : plus de la moitié d’entre eux restent vigilants sur la teneur en sucre des boissons, et placent la « naturalité » comme tendance dominante. Par voie de conséquence, la catégorie des boissons au thé, aux fruits et aux plantes rafle la mise derrière les eaux minérales naturelles : aujourd’hui, c’est un Français sur deux qui consomme une boisson au thé. Dans ce contexte, les leaders du marché ont dû se réinventer, de l’outil de production au plastique des bouteilles, en passant par les recettes, pour proposer une offre souvent nouvelle, voire inédite. La DA, marché d’impulsion par excellence, pâtissant du fait que les consommateurs se détournent notamment des sodas classiques, est également soumise à l’urgence de réserver une place à ce type de rafraîchissements dans les assortiments.
Tous les chemins mènent arômes
Les eaux minérales naturelles ont le vent en poupe : 86 % des Français les plébiscitent pour leur goût, un goût influencé par un terroir, à la manière du vin ou du café. Or cette notion rejoint les aspirations en faveur d’un produit local, voire Made in France, et non transformé. A mi-chemin entre les eaux minérales naturelles et les sodas très sucrés dont les consommateurs se détournent depuis quelques années, la catégorie des eaux aromatisées s’est imposée dans les rayons comme en hors domicile. Leader national du marché de l’eau embouteillée, Nestlé Waters a lancé au printemps dernier Vittel Up, une eau aromatisée avec une pointe de canne à sucre bio. Les deux parfums pêche et citron/citron vert satisfont les volontés de se rafraîchir sans culpabilité. Disponible en trois formats, Vittel Up s’adresse directement à toute la famille et s’adapte à une consommation nomade.Cependant, la star des eaux aromatisées, depuis quelques années, reste sans conteste le thé. « Le thé s’impose comme une réponse à une demande structurelle : un Français sur deux est aujourd’hui consommateur de boissons au thé », explique Karine Herdalot, Directrice Stratégie Catégorie & Channels chez Nestlé Waters France. Il se prête parfaitement à l’élaboration d’une recette rafraîchissante, naturelle et pauvre en sucre. Noir, vert ou sous forme de Maté, « c’est en effet un segment très dynamique : il tire la croissance des BRSA depuis près de dix ans. Cette tendance se pérennise donc. En hors domicile sur cette catégorie, nous détenons 80 % de part de marché en France, grâce à notre best-seller Lipton Ice Tea », affirme l’équipe de PepsiCo. L’industriel est aujourd’hui le plus gros contributeur à la croissance des softs (à hauteur de 64 %) grâce à Lipton Ice Tea Pêche, leader sur les thés, ainsi que grâce à des boissons dont les recettes ont progressivement été réduites en sucre moins sucrées comme Pepsi Max. Fort de ce succès, PepsiCo a depuis élargi son panel d’offre de boissons à base de thé : avec la marque premium Pure Leaf d’une part, et Lipton Green Ice Tea d’autre part, que l’équipe définit comme la gamme « santé » de son portefeuille. Cette dernière est notamment poussée sur le circuit hors domicile : « Aujourd’hui, Lipton Green Ice Tea est placé chez Subway, le groupe de restauration collective Compass en exclusivité ainsi que chez McDonald’s », souligne l’équipe Marketing. Nestlé Waters a quant à lui lancé en 2019 la gamme Contrex Green afin de s’aligner sur cette tendance. En mars dernier, celle-ci s’est élargie à deux nouvelles références, bio cette fois : Thé Noir Saveur Pêche et Thé Vert Saveur Citron. « En 2019, Contrex® Green Infusion de Maté a été très bien accueillie par les consommateurs, avec déjà plus d’un million de foyers acheteurs, dont 46 % étant de nouveaux acheteurs sur les Eaux Plates Aromatisées. Contrex® Green contribue ainsi à dynamiser et valoriser cette catégorie. En 2020, nous continuerons sur cette dynamique avec Contrex® Green Thé Bio, qui, avec une intention d’achat de près de 90 %, répond toujours plus aux attentes des consommateurs à la recherche de produits naturels et faibles en sucres », annonçait Éric Belin, Directeur de Marques Eaux Plates de Nestlé Waters France, dans un récent communiqué de presse. En effet, le bio s’impose cette année comme le nouveau mantra de ces nouvelles catégories orientées « santé » et « naturalité ».
« Bio » égal à « bon »
Le bio apparaît aux yeux des consommateurs comme un indicateur de fraîcheur et d’éthique. Il devient donc une sorte de caution « green » et « healthy », vectrice de réassurance. Si l’an dernier la mode était aux réductions de sucre et aux ajouts d’arômes, les gammes développées dans ce contexte accueillent en 2020 une ou plusieurs références bio, à l’instar de Contrex Green. Orangina Suntory France sort de son côté deux nouvelles recettes bio au sein de sa marque MayTea, Les Eaux de Thé. Fort d’une croissance de 34 % par an en moyenne depuis son lancement en 2016, MayTea propose des boissons composées d’infusion de feuilles de thé, sans conservateur, sans colorant, sans arôme artificiel, sans édulcorant et faibles en calories avec 50 % de sucre en moins que la moyenne des boissons sucrées. C’est tout naturellement que la gamme évolue vers des versions estampillées bio, aux saveurs différenciantes : Thé vert parfum Citron-Gingembre et Thé noir parfum Poire-Hibiscus. Ces deux nouveautés affichent en outre un taux de sucre de 70 % inférieur à la moyenne du marché des boissons sucrées. Autre catégorie concernée par la rénovation de ses gammes en bio : les jus de fruits.
Fruit mind
Cette catégorie s’avère stable mais clairement mise en difficulté par l’avènement des boissons plus légères évoquées plus haut, qui travaillent le fruit en l’associant à des plantes et autres arômes. En parallèle, les marques leader voient leur parts de marché grignotées par pléthore de nouveaux entrants défendant un sourcing local et des recettes Made in France très appréciées des consommateurs. Dans ce contexte, Pago continue de s’imposer grâce à un portefeuille de produits vaste et varié. La VAE notamment constitue un circuit porteur de croissance pour la marque : « Les modes de vie pressés et urbains induisent le développement d’une offre nomade. Nos formats 33 cl sont particulièrement sollicités par nos clients professionnels », déclare Céline Rouquié, Directrice Développement des Ventes Marketing CHD. « En ce qui concerne le CHR, nous avons commencé en 2017 la premiumisation de nos best-sellers : les parfums Ananas, Orange et Pamplemousse qui étaient des nectars sont passés en jus de fruits, ce qui sous-entend qu’il n’y a plus que le sucre du fruit ». Cette année, le spécialiste des jus sort une référence bio sur le circuit Impulse : l’abricot. Un des objectifs principaux de Pago consiste donc à revoir les recettes de ses produits en les faisant évoluer vers du 100 % fruits, sans sucres ajoutés. Un sacré challenge, comme le rappelle Céline Rouquié, quand elle explique qu’une fraise ou un abricot faut donc revoir tout l’équilibre du mélange pour assurer au consommateur sa dose de fraîcheur, certes, mais aussi satisfaire sa gourmandise. Granini a également développé une offre bio, qui tend à s’élargir cette année avec le lancement d’un jus d’ananas bio, incontournable en CHD, au sein de sa gamme de mini bocaux. Cela vient renforcer une ligne à forte valeur ajoutée, déjà très dynamique avec quatre parfums coeur de marché : la pomme bio, l’orange bio, le multifruit bio et la tomate bio issue d’une production française. En poursuivant le développement de sa gamme de mini bocaux bio en format 25 cl, Granini mise une nouvelle fois sur une tendance forte en répondant aussi bien à une demande croissante des consommateurs qu’à celle des professionnels en attente d’une offre bio encore peu développée en France sur le marché CHD.Le développement exponentiel de l’offre bio résonne avec les problématiques sanitaires et durables. C’est pourquoi, en couronnement d’une démarche en faveur de la nutrition et de l’environnement, les industriels investissent de façon massive les enjeux soulevés par la question de l’emballage. Ces enjeux ont en effet contribué à déplacer l’intérêt pour le produit en lui-même, choisi autrefois pour son goût et sa dimension rafraîchissante, vers l’écosystème du produit.
La vision dépasse la fonction
Le haro réglementaire contre le plastique a engendré une profonde révision du packaging. Des sommes colossales sont investies dans une R&D pro-green, et les lancements de nouveaux packagings sont autant mis en valeur dans la communication des marques que les innovations produits. En quelques années seulement, les leaders du marché ont réorganisé leurs outils de production et leur stratégie pour s’aligner avec la réglementation et les attentes consommateurs. La généralisation du rPET représente par exemple un des trois enjeux principaux de Nestlé Waters. En novembre dernier, l’industriel sortait la première bouteille de 75 cl 100 % composée de rPET sous la marque Vittel : « En parallèle de ce lancement inédit en France, Nestlé Waters a déjà porté cette année à 35 % la part de plastique recyclé dans ses bouteilles Vittel® et Contrex® de 33 cl et 50 cl ; et à 50 % dans ses variétés aromatisées Vittel® Up et Contrex® Green. Les films packs des petits formats Vittel® et Contrex® contiennent également 50 % de matière recyclée. Ces innovations s’inscrivent dans la feuille de route de Nestlé Waters France qui a signé en février dernier, via sa marque Vittel®, le Pacte National sur les emballages plastiques en présence de Brune Poirson, secrétaire d’Etat auprès de la Ministre de la Transition Ecologique », peut-on lire dans un récent communiqué de presse du Groupe. En DA, la marque Vittel bénéficiera ainsi cette année d’une animation particulière chez Selecta pour mettre en valeur une action écoresponsable qui s’exprime au travers de ses bouteilles en rPET. De son côté, Orangina Suntory France communique fortement sur ses nombreuses initiatives green (cf. notre article page 28). L’entreprise travaille aussi à réduire le poids de ses emballages PET (-18,5 % en moyenne en 2019 par rapport à 2006) et à généraliser l’emploi de matériaux recyclés dans leur composition (19 % de PET recyclé intégré en moyenne dans ses bouteilles plastiques en 2019) avec l’objectif d’adopter d’ici à 2030 des bouteilles en plastique 100 % durable (réalisées à partir de matériaux recyclés ou biosourcés) pour l’ensemble de son portefeuille, s’éloignant ainsi totalement de l’utilisation de plastique vierge issu de ressources fossiles. L’industriel participe également à des campagnes de sensibilisation au geste de tri, relayées jusqu’au packaging de ses produits, et multiplie les partenariats avec des associations auprès desquelles il s’engage réellement. Ces multiples démarches ont fait remporter à Orangina Suntory France le prix Ernst & Young dans la catégorie « engagement sociétal ». Quant à PepsiCo, les ambitions poursuivies par le Groupe en la matière sont importantes cette année : « Toutes nos marques de thé seront proposées dans des emballages 100 % rPET, rappelle Bruno Cazelles, Directeur Commercial hors domicile, avant de conclure : « Selon nous, les tendances actuelles se rejoignent et contribuent à une vision globale de l’activité industrielle agroalimentaire, qui pourrait être résumée dans l’expression « Winning with purpose ». Il s’agit aujourd’hui d’accompagner notre croissance de manière durable en y intégrant fondamentalement notre responsabilité sociale et environnementale. Ce changement d’emballages va nous permettre d’éviter la mise sur le marché de plus de 4 800 tonnes de plastique vierge/an », ajoute-t-il. On peut ici souligner un phénomène majeur qui émerge de cette course au green : les marques fédèrent des énergies de divers horizons pour accompagner cette transition et présenter une image positive, c’est-à-dire engagée, au consommateur. L’interaction des différents acteurs industriels, professionnels du recyclage, associatifs et politiques permet d’installer une filière vertueuse de tri et de revalorisation des déchets. En effet, sans une organisation fiable et rodée, enrichie des conseils des experts, les initiatives en faveur de produits plus respectueux de l’environnement restent isolées, et donc vaines, dans une certaine mesure. On s’achemine donc vers une industrie plus solidaire, et plus locale. La distribution automatique n’échappe pas à ces tendances