Les fournisseurs de gobelets, couvercles, couverts, pailles et autres ustensiles jetables se préparent autant que faire se peut à appréhender la superposition des textes européen et français, en passe d’adopter un calendrier à deux vitesses.
A l’heure où nous mettons cette édition sous presse, la loi PACTE modifiant l’article L.541-10-5 du code de l’environnement met fin, au 1er janvier 2020, à la mise à disposition des « gobelets, verres, assiettes jetables de cuisine pour la table, à l’exception des gobelets et verres qui ne sont pas en polystyrène expansé lorsqu’ils sont compostables en compostage domestique et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées ». Au 1er janvier 2021 seront concernés par cette interdiction les « pailles, piques à steak, couvercles à verre jetables, assiettes autres que celles mentionnées précédemment, y compris celles comportant un film plastique, couverts, bâtonnets mélangeurs pour boissons, contenants ou récipients en polystyrène expansé destinés à la consommation sur place ou nomade, bouteilles en polystyrène expansé pour boissons (…) ». Face à la fébrilité entretenue par les amendements régulièrement portés par les sénateurs, notre position d’observateur nous incite à faire preuve d’une extrême prudence dans les informations que nous délivrons. En effet, les incertitudes du cadre réglementaire sont telles qu’à court terme, des revirements de situation ne sont pas à exclure, susceptibles de bousculer, une fois de plus, le périmètre des interdictions, des restrictions et/ou l’organisation des agendas nationaux et européens.
Le Vending bénéficie d’une exception
En résumé d’une situation complexe, nous retiendrons que la fin des accessoires en plastique à usage unique est programmée, mais à date, les gobelets utilisés en Vending échapperaient à cette interdiction. « La distribution automatique vend du café et des boissons chaudes, mais elle ne vend pas d’emballages », rappelle Antoine Dupuy, le dirigeant de Segi France abondant dans le sens de la réglementation européenne sur les emballages, en vertu de laquelle le contenant est indissociable du contenu. En revanche, le mouvement engagé par les Pouvoirs publics français et les instances européennes afin de réduire l’utilisation du plastique à usage unique pourrait remettre en question l’exception dont bénéficie, à date, le Vending. Une épée de Damoclès est donc placée au-dessus de la profession qui constitue toujours une proie facile pour ses détracteurs. « En collectant les gobelets et en fonctionnant en vase clos, la distribution automatique n’est pas à l’origine de la pollution au plastique des océans », revendique Antoine Dupuy en s’insurgeant contre la tornade médiatique qui attribue, entre autres, les comportements des européens aux effets délétères de cette pollution sur l’environnement. En effet, selon des chercheurs allemands dont les travaux ont été relayés par la très sérieuse revue Environnemental Science & Technology en octobre 2017, 90 % des déchets en plastique qui envahissent les océans proviennent des déchets rejetés par 10 fleuves situés en Afrique, en Inde et en Asie.
Les gobelets mettent le cap sur le carton
Les réglementations doublées par l’impopularité grandissante du plastique donnent le ton aux orientations du marché et les fournisseurs de vaisselle à usage unique s’accordent sur le fait que « les difficultés doivent être transformées en opportunité pour augmenter le prix de la boisson ». Ce point de vue vaut notamment en distribution automatique où les gobelets et les spatules sont une composante du prix de revient de la prestation. A date, le marché du Vending reste dominé par les solutions standards en plastique dont le recul de la demande se traduit par un coup d’arrêt des investissements industriels. Par contre, les gobelets dits en carton font l’objet d’avancées significatives afin de se placer dans une logique vertueuse. La plupart des fournisseurs historiques du Vending et de la vente à emporter, ainsi que les nouveaux venus comme Compos’Table, proposent des gobelets en carton doublés de polyéthylène (PE) en leur version standard, ou de PLA (amidon de maïs), compostables industriellement. Différenciation oblige, SEGI casse les codes avec la gamme Quali-T-Cup® dont les gobelets en carton issu de forêts gérées durablement sont illustrés par des graphismes ethniques originaux. Le marketing est également de mise chez Huhtamaki qui est désormais capable de fournir des séries personnalisées en impression numérique à partir de 1 000 gobelets. Mais surtout, une nouvelle génération de gobelets en carton se dessine, qui s’affranchit des revêtements PE ou PLA. Outre les travaux engagés par le groupe FLO (lire article page 26), CEE R. Schisler indique que plus de neuf ans de recherche ont été nécessaires pour remplacer le pelliculage PE par un vernis bio dégradable thermoscellant garantissant une parfaite étanchéité. Protégée par un brevet, la solution baptisée Hearth Cup® signe le seul gobelet 100 % papier, compostable à domicile et conforme à toutes les législations même en leurs versions les plus dures. Récompensée en 2018 par Flexostar, un Trophée du Cartonnage et un Oscar de l’Emballage, cette solution exige d’une part d’adapter les lignes de production existantes aux particularités du process de fabrication voire d’investir dans de nouveaux équipements, et d’autre part de former les équipes pour assurer un déploiement commercial significatif. C’est sur ce dernier point que le bât blesse : « Tous formats confondus, nous avons déjà fabriqué plus d’un million de gobelets Earth Cup® dans notre usine, mais notre capacité actuelle de 500 000 unités par mois est loin d’être suffisante à couvrir la demande », reconnaît Lucie Chevalier-Juneau, responsable comptes-clés de CEE R. Schisler, en estimant par ailleurs que « le prix final de ce gobelet sera probablement autour de deux fois celui d’un gobelet standard actuel avec PE ».
Les solutions végétales fleurissent
« Le monde est devenu nomade, et la consommation on the go ne peut se passer de vaisselle à usage unique pour transporter les denrées alimentaires et les boissons en sécurité », soutient pour sa part le responsable communication de Firplast, convaincu de la nécessité de raisonner en termes de transition pour transformer la société. « A l’instar des tendances healthy qui sont venues détrôner la junk food, cette transformation en faveur des emballages écologiques est inéluctable, et elle doit être accompagnée sans être ralentie », poursuit Yann Merran. Ces constats sociétaux et environnementaux justifient la « sortie du plastique » défendue par Firplast depuis une dizaine d’années à travers sa démarche Vision Verte. Aujourd’hui, ses solutions s’inscrivent dans le cadre de collections aux intitulés éloquents ; la collection Kraft’n Kraft signe des gobelets en cellulose issue de bois et de papier recyclés, Cristal Pop fédère des couverts CPLA et des gobelets PLA résultant de la fermentation du sucre ou de l’amidon (de betterave ou de maïs), Wood Mood rassemble les accessoires en bois de peuplier, pin et bambou, et Pulp’Instinct est dédiée aux produits en pulpe issue du résidu fibreux de la canne à sucre, la bagasse. Si l’entreprise française revendique des approvisionnements européens pour 80 % des matériaux qu’elle utilise, les autres proviennent d’Asie ou d’Amérique du Sud et sont ensuite valorisés en Europe. « Le sourcing est worldwide », confirme Arthur de Mareuil, chargé du développement des ventes chez Compos’Table, le distributeur de la marque Vegware en France, en reconnaissant que si le PLA provient majoritairement de Chine, une filière européenne se mettrait en place, avec d’importantes évolutions constatées notamment en Espagne, en Allemagne et en Italie qui ont fort à faire pour capter « localement » des volumes suffisants. « A la question épineuse du sourcing s’ajoute la présence éventuelle d’OGM dans l’amidon de maïs », ajoute Arthur de Mareuil en indiquant que cet axe d’amélioration serait pris en compte par NatureWorks qui commercialise le PLA de la marque Ingeo™. Entre le sourcing des écomatériaux et leur transport, les investissements réalisés en R&D et au niveau des installations industrielles, les surcoûts affichés par les nouvelles solutions à usage unique sont significatifs, sans compter les budgets conséquents engagés pour la création de filières ; malgré les incitations des pouvoirs publics et la multiplication des initiatives privées, force est de constater que le tri, la collecte, le recyclage et la valorisation avancent encore en ordre dispersé sur l’Hexagone.