Prises en étau entre la guerre des prix et la montée en gamme de l’offre, les boissons chaudes confirment leur rôle stratégique en distribution automatique où le café règne toujours en maître.
Le café et les boissons gourmandes, le chocolat, le thé et les soupes assurent ensemble 85 % des ventes des distributeurs automatiques. Extrait de l’étude du marché français effectuée par l’EVA en 2017, cet indicateur – bien connu – a le mérite de rappeler la prépondérance de cette catégorie. Pourtant, des évolutions tangibles se glissent dans les bacs où les efforts de segmentation ont vocation à valoriser le marché et notamment celui du café.
Le contexte
Au cours des dix dernières années et toujours selon l’étude EVA, les préparations solubles et moulues ont perdu du terrain face au café en grains dont la part de marché a gagné 10 points pour élire domicile dans 68 % des freestandings en 2017. Outre cette tendance traduisant l’attractivité du grain auprès du consommateur comme la montée en gamme des produits et des équipements, la distribution automatique a de plus en plus de grain à moudre face à la poussée des table tops semi-automatiques dont le nombre a progressé de 12 % entre 2016 et 2017. En forçant volontairement le trait de l’analyse, cet élément et, plus encore, l’arrivée massive des cafetières domestiques dans les bureaux constitueraient autant de business qui échapperait aux gestionnaires de DA les plus frileux. Nul n’ignorant que l’entreprise représente le lieu de prédilection des automates (80 % des freestandings y sont implantés) et de la consommation de café, cette typologie de site est, malgré un certain frémissement de l’emploi, chahutée par la modification des rythmes des salariés ; par exemple, le développement du télétravail a pour conséquences une moindre fréquentation des bureaux et, de fait, une réduction des consommations dans les automates. Sans oublier qu’avec 50 % des Millennials qui rejoindront la population active en 2020, le marché devra considérer attentivement ces amateurs de boissons gourmandes, et souvent très sophistiquées, qui constituent une réserve de croissance pour la catégorie, à condition de décrypter leurs codes et leurs exigences et d’y répondre, sans toutefois négliger les autres cibles. A cette mise en perspective globale qui dessine les contours d’un univers sensible à son environnement socioéconomique voire démographique, s’ajoute l’interdiction annoncée des gobelets en plastique à compter de juillet 2021, et cette mesure a de quoi maintenir la profession en état d’alerte maximum. En effet, dans l’hypothèse selon laquelle la DA sera soumise à l’article 28 de la loi EGAlim, les solutions alternatives au plastique présenteront un surcoût qui devra, d’une manière ou d’une autre, être répercuté sur le prix de la boisson. Quand on connaît la difficulté d’augmenter les prix en suivant la montée en gamme de l’offre et des prestations, on peut aisément imaginer l’ampleur que prendront les prochains débats !
Suivre les tendances de fond…
A travers la diversification des recettes et des produits labellisés impulsée par des marques au positionnement parfois bien trempé, la premiumisation du marché se poursuit. Malgré la guerre des prix qui a la dent dure et un contexte caractérisé par les mouvements de concentration et une concurrence accrue entre les opérateurs, « la distribution automatique se réveille », affirme Laurence Thebault, responsable marketing de Lavazza France. Pour justifier ce « réveil » de la DA, des études réalisées par le torréfacteur italien ont révélé une progression en volume de 2 % en 2018. Après des années compliquées et orientées à la stabilité dans le meilleur des cas, espérons que cette évolution lancera un signal positif susceptible de (re)donner le moral à la distribution automatique ; avec 3 milliards d’unités délivrées, ce circuit représenterait 23 % de PDM des boissons chaudes consommées en réseaux hors domicile. Il faut bien reconnaître qu’en générant beaucoup d’innovations à marques, la redistribution des cartes qui s’est opérée chez les leaders et les nouvelles ambitions revendiquées par les challengers commencent à porter ses fruits. D’ailleurs, la poignée de fournisseurs que nous avons interrogés s’accorde à dire que cette modification des forces en présence ouvre de nouvelles opportunités de croissance aux marques qui sauront accompagner les gestionnaires de distributeurs automatiques dans la conduite de leur activité, toujours sous pression. C’est ainsi que Lavazza France capitalise sur les nouvelles technologies appliquées aux automates pour suggérer le choix et donner envie aux consommateurs. Dans cet esprit, la machine Lavazza Blue TouchScreen Maestro sera, comme la Lavazza Blue TouchScreen Concerto, équipée d’un écran tactile de dernière génération et d’une interface utilisateur, mais sa capacité sera plus importante puisqu’elle contiendra 320 capsules (versus 220 pour la Concerto) et 4,5 kg de café en grains (2 kg), et la possibilité d’être associée au module « café to go » de Necta avec un kit de sirops…
et les pérenniser
« En entreprises, l’impulsion est donnée par les CE qui s’attachent de plus en plus aux discours en faveur des produits de qualité et marketés », estime pour sa part Jean-Tristan Villa, le directeur Grands Comptes et Grossistes de Segafredo Zanetti France en évoquant notamment le potentiel des filières bio et certifiées dont les productions s’intègrent parfaitement dans le déploiement d’une stratégie RSE. Au regard de la complexité d’assurer un sourcing et une traçabilité garantissant in fine une qualité organoleptique irréprochables, « ces certifications ont certes un coût mais les gestionnaires ont là une carte à jouer pour justifier des hausses de tarifs auprès de leurs clients et des consommateurs », poursuit notre interlocuteur, convaincu de l’intérêt des filières bio et de type Rainforest Alliance ou Fairtrade Max Havelaar, à condition de les inscrire dans une démarche durable et vertueuse, porteuse de projets sociétaux et environnementaux pour tous les maillons de la chaîne. En attendant de mettre en place toutes les pièces de ce vaste puzzle au service de volumes suffisants et de ses marques, le torréfacteur conçoit des gammes certifiées « à façon » en fonction des demandes du marché.Le Bio compte parmi les priorités de Nestlé Professional qui veut aider ses partenaires Vending à répondre aux tendances de consommation et à redorer le blason des distributeurs automatiques. A l’appui de cette volonté, la référence soluble Nescafé® Partners’ bio et équitable a bénéficié d’un test réalisé d’avril à juin 2019 dans 66 stations-service Shell exploitant 290 automates en partenariat avec Selecta. Résultats de cette initiative tripartite : 81 % des consommateurs interrogés trouvent que le café bio est différenciant par rapport à l’offre proposée par les autres stations-service, 71 % estiment qu’il améliore l’image du pétrolier, 90 % trouvent la marque Nescafé® qualitative et de confiance, et 8 personnes sur 10 ont l’intention de racheter cette boisson. « Les boissons gourmandes en mode coffee-shop offrent de belles opportunités au Vending », poursuit Cécile Le Goff, chef de groupe marketing Boissons, en estimant que « la DA en mode coffee-shop est un concept qui n’est pas préempté par les autres marques ». Cet axe de différenciation a été bien accueilli par les visiteurs de Vending Paris 2019 où l’habillage des équipements d’EVOCA, de Bianchi et de Rheavendors s’est largement inspiré de l’identité visuelle de ces réseaux pour présenter la carte. A la montée en gamme du marché et l’engouement des consommateurs pour les boissons gourmandes, le point de vue de Régilait Professionnel est catégorique : « Le lait n’est pas suffisamment mis en avant alors que cet ingrédient entre dans la composition des recettes et contribue à la valorisation des cappuccinos et autres Latte », revendique Cassandre Ricolleau, chef de produit marchés professionnels, en donnant quelques éclairages éloquents. Si les toppings comptent des adeptes parmi les professionnels les plus attentifs aux (bas) prix, leur utilisation ne permet pas d’afficher la dénomination de type « café au lait » mais seulement celle de « café lacté ». Fort de son expérience de plus de 15 ans en distribution automatique, Régilait constate par ailleurs l’évolution du marché en faveur des laits en poudres granulées demi-écrémées conventionnels et, prochainement, certifiés bio (lire article page 20). En synthèse, si la sélection rigoureuse du café, du chocolat ou du thé est nécessaire à la qualité d’une boisson gourmande, cette rigueur doit, de la même manière, s’appliquer au lait, et sortir cet ingrédient de l’ombre.
Le café emprunte la voie de la segmentation
Parallèlement aux réflexions relatives à exploiter les tendances émergentes ou en devenir, les fournisseurs peaufinent leurs gammes afin de répondre à toutes les attentes, à toutes les typologies de sites et à tous les budgets. Tandis que JDE Professionnel capitalise sur les solutions signées L’OR au positionnement Premium, Jacques Vabre (coeur de marché) et Maxwell House (soluble), il ressort de notre enquête (NDLR : non exhaustive) que les marques redoublent d’efforts pour notamment proposer des cafés en grains dédiés au Vending, c’est-à-dire dûment adaptés aux contraintes techniques des automates. C’est donc pour se positionner sur ce segment évocateur de la montée en gamme du café que Nestlé Professional a lancé Bonka® au 1er trimestre 2018. Avec un portefeuille comprenant aujourd’hui des produits solubles classiques et labellisés (AB et Rainforest Alliance) et un café en grains dédié à la DA, Nestlé Professional couvre tous les besoins des gestionnaires. En identifiant les mutations de la profession et des consommateurs, Lavazza France a pour sa part réussi à s’imposer en leader des univers OCS/Vending, en s’octroyant 35 % de part de marché. Si la marque française Carte Noire est dans le giron du torréfacteur italien avec trois références de cafés en grains (dont un Arabica certifié Rainforest Alliance) et deux références de cafés solubles, la gamme de cafés en grains Lavazza Expert s’est récemment élargie à la référence Crema Ricca qui fédère une sélection de cafés arabica et robusta issus de plantations certifiées UTZ. Avec la référence Aroma Top, Lavazza affirme son engagement aux côtés de Rainforest Alliance pour préserver la biodiversité. Bravant les positions remarquables occupées par les leaders, Segafredo Zanetti France réaffirme son ambition d’atteindre les 10 % de PDM en inscrivant dans la durée ses relations avec les gestionnaires de DA en quête d’alternatives pertinentes. Fort de dossiers qui se multiplient depuis sa présence remarquée à Vending Paris 2019, une flexibilité reconnue et un maillage complet du marché, le torréfacteur semble aujourd’hui être sur la bonne voie. En effet, le lancement de la gamme de cafés en grains « Selezione Vending » lui permet déjà de flirter avec les 4 % de PDM dans un marché estimé à 7 000 tonnes. Alors que la marque Segafredo s’impose en porte-drapeau de la stratégie de l’entreprise, « la marque San Marco convient aux professionnels qui veulent exploiter une marque grand-public et dérivée du retail », précise Jean-Tristan Villa.
Quel avenir pour les solutions prédosées ?
Si elles font peu parler d’elles et que leur poids est difficilement quantifiable, ces solutions défendent, entre autres, la simplicité d’entretien des automates, la régularité et la rapidité des boissons délivrées, l’autogestion et la diversité de l’offre représentée pour l’essentiel par des marques fortes. En revanche, les entreprises qui en font leur métier doivent aujourd’hui relever le défi majeur lié aux contenants jusqu’alors en plastique. « La composition des gobelets est une préoccupation qui anime tous nos salariés », lance Rémi Boddaert, le codirigeant d’Audis annonçant que « le développement d’un gobelet au moins compostable est sur le point d’aboutir ». Dans le même temps, le chantier de R&D initié en Grande-Bretagne par le groupe Lavazza se traduira, à la fin de l’année, par le lancement de gobelets en papier 100 % recyclables, biodégradables et compostables, qui remplaceront progressivement les gobelets utilisés par Lavazza Professional. Prêts à répondre aux contraintes de la réglementation et à braver un dossier épineux, les deux protagonistes détaillent leur positionnement et leurs avancées. Les notions de service et de valeur ajoutée sont mises en exergue par Lavazza Professional qui se veut résolument tourné vers le client, sa compréhension et celle de son consommateur afin de proposer un concept complet intégrant les produits et les machines lesquels sont, comme les gobelets, fabriqués outre-Manche. Couvrir l’intégralité des besoins du marché et innover en partenariat avec ses fournisseurs et Pascal Thierry (fondateur d’Audis), tels sont les leitmotivs d’Audis depuis que la société a été acquise par la famille Boddaert en novembre 2018. Dans l’air du temps, un thé detox romarin saveur abricot serait en cours de R&D, et un chocolat bio origine Tanzanie prêt à sortir des cartons.