Alors que la Distribution Automatique replonge dans la torpeur, comment la profession compte-t-elle se réinventer demain après la crise qui la secoue très violemment ? Entre rêves pour l’après, et présent difficile, entretien avec Pierre Albrieux, fraîchement réélu à la fonction de Président de la Fédération, et petit tour de quelques innovations qui esquissent un avenir à la profession.
La Fédération NAVSA avait appelé mi-octobre à une mobilisation générale des professionnels du secteur à la rentrée afin d’obtenir du Gouvernement que la vente par automate figure enfin dans la liste des secteurs sinistrés et soit ainsi éligible aux différents dispositifs d’aide exceptionnels consentis par l’Etat aux secteurs reconnus comme tels. A la suite des annonces du Président de la République, le 28 octobre, réinstaurant un « confinement général » en France, la Fédération est contrainte d’annuler ce rassemblement (1). Toutefois, les bonnes volontés seront mises à contribution dans le cadre d’une stratégie d’interpellation des pouvoirs publics qui sera dévoilée à la toute fin octobre. La rue n’est pas la seule voie pour faire entendre sa voix…
4 questions à Pierre Albrieux, Président de NAVSA
Comment se porte la DA en septembre ?
Après une reprise plutôt encourageante en juin, juillet et août, le mois de septembre est à nouveau très préoccupant : le monde de l’enseignement et les universités bloquent à nouveau nos machines, l’épée de Damoclès du « reconfinement » est là et tous nos indicateurs montrent que la consommation n’est pas repartie. Le pire est bel et bien devant nous, avec une reprise qui s’est subitement stoppée à la rentrée.
En tant que Président de NAVSA et chef d’entreprise, que vous apprend cette crise ?
Elle nous confirme que la DA est un métier très dépendant de la température économique ambiante et des autres entreprises. Face à la crise sanitaire, la profession apparaît extrêmement fragilisée et impactée. Cette crise nous plonge dans une situation inédite : nous pensions par exemple travailler plus dans le milieu hospitalier, or nous avons là aussi enregistré des baisses de chiffre d’affaires de l’ordre de 45 % en moyenne notamment à cause des visites interdites puis restreintes et d’allocations gratuites de produits initiées par les industriels et fournisseurs, par solidarité avec les personnels de santé. Bref, si la DA est le thermomètre de l’économie, alors tout cela donne une idée de la manière dont se porte l’économie française en général…
La crise va-t-elle pousser la profession à se réinventer ?
A l’heure où l’on parle, nous jouons notre survie économique : est-ce vraiment le moment de se réinventer alors que les entreprises voient leurs espaces de DA fermés et que leur trésorerie est au plus mal ? Je ne vois pas comment l’on pourrait se réinventer maintenant… L’argument massif de nos clients en ce moment est qu’ils ne veulent pas de rassemblements et malgré les protocoles d’hygiène mis en place, l’heure est encore à la psychose. Alors, comment se réinventer quand les consommateurs ne sont pas là ?
Quels sont vos doutes et vos espoirs quant à la profession pour les mois à venir ?
Mon espoir est surtout que les consommateurs reviennent, que nous puissions rouvrir nos espaces le plus vite possible et que la DA retrouve une santé financière : à ce moment-là, on pourra reparler des produits proposés, des machines connectées de demain, même si l’on constate toujours que les produits plus sains sont ceux qui enregistrent les taux de rotation les plus faibles… Je ne pense pas que la Covid 19 change la donne sur les produits, mais si nous survivons, il nous faudra valoriser notre savoir-faire car celui-ci n’est pas encore estimé à sa juste valeur. Nous attendons surtout de voir l’évolution de la situation, mais nous sommes en ce moment dans un environnement anxiogène, où continue de se développer une sorte de peur panique collective. Le début d’année sera fait de larmes et de sang, nous sommes dans une situation gravissime et il y a urgence à sauver nos entreprises.
5 commandements pour la DA de demain
Si la DA se doit prioritairement de sauver sa peau, plusieurs innovations pourraient lui insuffler un nouveau souffle dans un environnement post-Covid inédit.
Plus durable tu seras
L’objectif d’être plus durable touchera aussi bien le tri des déchets, l’utilisation de contenants cartonnés, que la réduction de la consommation énergétique. Chez Rheavendors Group, « Le système breveté de chauffe par induction Varitherm permet de réduire drastiquement la consommation électrique de nos machines : de 60 à 90 % en fonction de l’utilisation tout en permettant aussi de monter en gamme en termes de qualité puisque la température de chaque ingrédient composant une boisson pourra être réglée au degré près », explique Thierry Collen en charge de la filiale française de Rheavendors. Evoca Group se prépare aussi à modifier sa gamme Impulse (Snack) à partir de 2021 pour être plus économe et respectueuse de l’environnement grâce à un gaz réfrigérant plus écologique.
Sur la qualité tu miseras
Système sous vide pour préserver toute la fraîcheur du café grâce à la gamme Coffee Vending machines (Evoca Group) et offrir une qualité optimale dans le gobelet, technologie Lait Frais (Evoca Group) pour distribuer de toutes nouvelles recettes ou possibilités de moutures à la demande pour réaliser ristretto, expresso ou café long (Gamme Premium La Rhea, Rheavendors), la DA va résolument vers un élargissement des propositions et de l’offre produits en se rapprochant d’une expérience.
Sur la télémétrie et la monétique tu t’appuieras
Pour les gestionnaires, la télémétrie va devenir un outil de gestion incontournable permettant une lecture à distance de la machine pour calibrer les ressources et ajuster les tournées tout en diminuant les coûts de personnel. Côté consommateurs, les systèmes de paiement dématérialisés par CB et par GSM grâce à des applications dédiées vont se généraliser, tout comme les écrans tactiles permettant une forme d’interactivité entre la machine et le consommateur. « La mode est aux paiements sans cash (« Cashless ») et nous y croyons aussi chez CPI, mais cela prendra du temps ; les paiements par pièces et billets ont encore de belles années devant eux et resteront complémentaires aux paiements sans cash », détaille Hervé Thellier, Directeur des Ventes CPI (Crane Payment Innovations).
Des machines connectées tu auras
Les machines connectées ou communicantes vont permettre une interaction et un échange avec le consommateur, « Sur la composition et la nature des produits par exemple, mais aussi un échange avec le gestionnaire qui va pouvoir connaître l’état de son stock produits dans la machine, être alerté sur une panne ou un vide produit, ou pousser des contenus (vidéos, images ou texte) pour mettre à jour des panels de boissons et de sélections », développe Diamantino Goncalves, responsable marketing et développement produits pour les marchés du Vending et OCS Evoca France.
Ton business model tu changeras
Actuellement, les machines sont le plus souvent mises en dépôt gratuit chez le donneur d’ordre et le marché est avant tout régulé par les prix ; « Dans la réalité des appels d’offres, c’est encore le plus souvent le moins disant qui l’emporte ; on est très loin des notions de qualité, or un produit ou un service avant tout guidé par le prix est forcément dégradé », pointe Thierry Collen. Pourtant, les gestionnaires devront changer de business model, ou à défaut, le faire évoluer significativement dans les années à venir pour compenser les effets de la pandémie de Covid-19, mais aussi faire face à l’évolution vers le télétravail qui aura un impact non négligeable sur les comptes de rentabilité des gestionnaires de DA.
Tiphaine Assouly
1 : Paris, Lille, Strasbourg, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux et Rennes.