L’automate se réinvente : il est communicant, gérable à distance et devient le support d’une expérience sur-mesure pour le consommateur. Cependant, si l’effet des nouvelles technologies est automatique, leur mise en action reste entre les mains des gestionnaires : à quoi ressemble le « gestionnaire nouvelle génération ? ».
La DA a hérité d’un challenge que le retail s’applique à relever depuis toujours : comment développer la relation client pour qu’elle génère de la croissance ? Depuis une quinzaine d’années, Internet a un impact majeur sur le marketing, puisqu’il a permis aux marques et aux enseignes de garder le contact avec le consommateur en dehors des points de vente. Le succès d’un commerce n’est donc plus seulement une question d’emplacement. Cette expertise marketing, que les industriels de l’agroalimentaire ont acquise dans la grande distribution, a largement inspiré leur façon de conquérir le marché du hors domicile. La question s’est posée en ces termes : comment créer le lien entre le consommateur et un automate dont la seule vocation a très longtemps été de délivrer une boisson ou un snack bon marché en un temps record ? Tandis que la mécanique et l’ingénierie électronique contenus par la machine suivent une courbe naturelle d’amélioration, c’est bien la question de l’interface qui a transformé la DA.
L’interface réhabilite la relation client
« On a pu voir des marques de luxe utiliser la DA pour se rendre visibles en dehors des boutiques physiques. C’est bien qu’elle conserve un fort pouvoir d’attraction. Tout se joue au niveau de l’interface : il faut renvoyer au consommateur les codes qui lui parlent », affirme Laurence Thébault chez Lavazza. Partant du principe que l’interface est la zone de communication de deux entités, elle s’exprime au travers de plusieurs biais sur un automate. L’écran tactile participe à cette interaction souhaitée entre la machine et le consommateur. Ce dernier y voit défiler des visuels suggestifs en full HD visant à éveiller son envie ou sa gourmandise. Dans le cas des boissons chaudes, l’écran lui permet également de personnaliser son choix, grâce à des curseurs pour doser le sucre, le lait ou le chocolat, ou encore grâce à la sélection d’un ou de plusieurs toppings. Enfin, en attendant que sa boisson soit prête, une vidéo sur l’histoire du café ou les promotions du moment l’accompagnent en images. Cela rend ce moment de latence dynamique. L’expérience DA ne place donc plus le consommateur dans une posture attentiste mais plutôt proactive. Il est, dans une certaine mesure, « considéré » par la machine. Les écrans ne sont pas installés qu’en façade : ils habillent aujourd’hui les côtés de la machine. Dans un endroit à fort passage, ceux-ci permettent de rappeler la présence de l’automate par un stimulus visuel. Dans certains cas, la machine se « réveille » grâce à des capteurs qui détectent les mouvements : l’écran d’accueil s’allume ou se met à diffuser des vidéos promotionnelles si l’automate a identifié qu’une personne passait dans son périmètre. A défaut d’écrans, les côtés du DA sont customisables à l’envi. Les marques ont investi cet espace de communication, jouant sur leur notoriété pour attirer le consommateur à la machine. « La marque-icône est un outil de valorisation. Il est important que l’habillage soit à la hauteur de la prestation : des lexans, des étiquettes le cas échéant, ou encore des écrans diffusant des films sur le café et ses origines participent à la mise en scène de la marque », expose Jean-Tristan Villa, chez Segafredo Zanetti. En effet, que ce soit dans une entreprise ou dans un lieu public, le consommateur est sensible à deux éléments : la marque-icône a un facteur rassurant, il la reconnaît et il sait qu’elle est gage de qualité d’une part ; d’autre part, une machine attractive va effectivement lui permettre de se projeter dans l’expérience, jusqu’au résultat en tasse. L’automate de nouvelle génération présente ainsi un aspect « communicant ». Il est d’autant plus communicant qu’il est connecté : relié au cloud, il est capable de recevoir, d’analyser et d’émettre des informations. Cette propriété « connectée » est à double emploi. Elle permet d’une part à l’exploitant de gérer son matériel à distance ; et d’autre part de fournir au consommateur une expérience sur-mesure, notamment par l’intermédiaire d’une application mobile. L’interface en façade du DA est aujourd’hui déportée sur le support mobile du consommateur, comme c’est le cas chez Sodebo avec sa vitrine connectée freeGo, dont l’assortiment est visible depuis le smartphone du client, sans qu’il ait à se déplacer à la machine. Aujourd’hui, l’interface est donc pensée dans le sens de l’ergonomie c’est-à-dire qu’elle doit être facile d’appréhension, sécurisante, dynamique et accueillante. En effet, le consommateur est en demande de nouvelles interactions, d’où le développement exponentiel des concepts de coffee corners qui s’opposent à une offre DA moins personnelle. En hors domicile, les codes dominants surfent sur les notions de terroir, d’origine, et les ambiances privilégient donc des matériaux authentiques tels que le bois, l’ardoise etc. Ainsi, l’armoire métallique où l’on presse des touches de sélection ne correspond plus à ce que les consommateurs attendent. « Le LB Concerto Touchscreen d’EVOCA bénéficie d’une ergonomie revisitée : il a été conçu pour correspondre à une taille plus « humaine », avec sa hauteur de 1,70 m. Des freestandings aux dimensions réduites sauvegardent l’essence même de la DA. Malgré sa compacité, il a la possibilité de servir 400 à 500 gobelets. Cette importante capacité représente une forte valeur ajoutée à la distribution automatique », explique Laurence Thébault qui soulève ici une autre caractéristique de la DA « nouvelle génération » : elle est flexible.
Tout en souplesse
Qu’il s’agisse de boissons chaudes ou de snacks, la DA « nouvelle génération » sort en effet de sa nature rigide. Cette notion de flexibilité se décline sur plusieurs aspects. Les capacités en sont une première expression. SandenVendo a mis en avant à Vending Paris son nouvel équipement dédié aux snacks, dont les plateaux peuvent contenir 12 références en facing. Le gestionnaire gagne ainsi sur deux plans : non seulement il peut offrir plus de choix, mais en plus il fait des économies sur le passage des approvisionneurs, car le stock disponible est plus important. FAS vient quant à lui de sortir un plateau qui augmente la surface de vente de 30 % par rapport à ses standards actuels. Ce seul plateau peut accueillir jusqu’à 90 canettes et bouteilles en un seul et même espace. Les différentes zones de températures font également l’objet des efforts des fabricants. Ainsi, le FAS Combi permet de déployer une offre totale dans le même automate : le bas de l’appareil est réservé aux snacks et aux boissons froides tandis que la partie haute délivre des boissons chaudes. Chez Sielaff, le nouveau SN48 2T est bitempérature, cumulant les conservations ambiante et réfrigérée. Il est d’autant plus flexible que l’organisation de l’assortiment peut être modulée selon la demande de l’exploitant, en simple, double et triple spires. Cela met en valeur des références aux formats différents de façon optimale. La combinaison master-slave assure donc la flexibilité, et permet d’offrir au consommateur une pause complète sans multiplier les déplacements aux différents points de vente. Surtout, il ne sort son moyen de paiement qu’une seule fois. Cela lui assure plus de confort. La distribution en elle-même s’assouplit, tel que le démontre Stéphane Bourdin, directeur commercial France de SandenVendo : « D’autres façons de distribuer, comme des ascenseurs, des tapis, des crochets ou encore des spires différentes définissent la nouvelle génération. On peut voir sur les G-Drink par exemple que les bouteilles sont distribuées à mi-hauteur pour s’adapter à la taille d’un homme. Notre G-Snack Evo délivre les produits sans que le client ait à se baisser. Cela permet également aux personnes à mobilité réduite de commander à la machine sans contrainte ». En dehors de la partie purement mécanique, les technologies dont sont équipés les DA de nouvelle génération sont également flexibles. Par exemple, chez FAS, le nouveau plateau s’adapte à toutes les machines existantes dotées d’une prise USB, ce qui permet de programmer les modifications facilement lors de l’installation. Les nouvelles technologies sont transposables. Ainsi, celle du Table Top Caffè Uno (Sanden Vendo) sera déclinée pour être adaptée à un freestanding qui sortira cette année. Stéphane Bourdin explique que « tout ce qui est en cours de développement est compatible avec les modèles les plus récents : nos technologies sont flexibles car rétrocessives ». La mécanique comme les nouvelles technologies confèrent un caractère hybride à la DA. Le concept freeGo de Sodebo est une des expressions les plus abouties de cette hybridation. Grâce à une application mobile reliée à cette vitrine connectée proposant des solutions repas, le consommateur n’a plus à se déplacer à la machine pour voir l’assortiment. S’il se rend directement à la machine sans consulter l’application, il pourra tout de même ouvrir la vitrine et accéder au produit, une révolution pour le Vending : « Nous sommes au confluent de la restauration et de la distribution automatique. freeGo comporte une dimension rassurante pour le consommateur : il peut effectivement voir et manipuler son produit avant l’achat », explique Lucie Modicom, Chef de pôle Concepts de Vente du service marketing. La contrainte du paiement est également évacuée grâce à l’application : « L’utilisateur de freeGo n’a pas besoin de carte d’entreprise ou de flasher un QR code. Il se connecte simplement à son compte sur l’application pour d’une part ouvrir la vitrine, et d’autre part régler son achat. L’application freeGo valorise davantage l’expérience d’achat ». Selon la chef de pôle, « les nouvelles technologies nous donnent l’opportunité de rendre l’expérience d’achat plus fluide et cohérente avec les attentes des shoppers. En effet, freeGo propose un service personnalisé, parfaitement adapté à la typologie d’entreprise en général, et au client final en particulier. L’application mobile permet en outre de développer des programmes de fidélisation et de créer une vraie relation avec le consommateur ».
Green is the future
« Le paramètre environnemental est désormais présent dans tous les appels d’offres, c’est un véritable enjeu », insiste Thierry Collen chez Rheavendors. Dans ce contexte, le fabricant se démarque grâce à sa technologie brevetée Varitherm® (système de chauffe par induction) qui garantit une économie d’énergie importante en ne fonctionnant que lorsqu’il faut préparer une boisson chaude. « En outre, il offre la possibilité de moduler la température par ingrédient », reprend Thierry Collen. « Par exemple, il faut trois températures différentes pour un latte macchiato ; pour la mousse de lait, le café et la crème de lait. In fine, ce système de chauffe génère 90 % d’économie d’énergie par rapport à une chaudière classique ». Quant à la réfrigération, les fabricants trouvent des alternatives aux gaz dits « polluants » qui contribuent à l’effet de serre, que la loi tente d’évacuer progressivement. Le CO2, gaz naturel, a ainsi la cote en ce moment. En 2004 déjà, SandenVendo avait créé pour Coca-Cola une gamme de machines dont les groupes froids fonctionnaient au CO2, à l’occasion des Jeux Olympiques. Aujourd’hui, toute la ligne Design Line est équipée de ce type de groupe froid : « En 2019, nous installons les nouveaux groupes froids HC sur les G-Drink et G-Snacks », annonce le directeur commercial. Autre enjeu environnemental : les capsules aluminium. « A terme, on peut imaginer que les Table Top vont cannibaliser les solutions domestiques à cause essentiellement de la problématique environnementale des capsules, au profit du café en grains et en vrac. Cela s’ajoute au fait que les consommateurs veulent être acteurs de leur boisson, ce qui favorise aussi le vrac et les Table Top », explique Thierry Collen. « Dans le tertiaire, à Paris, on constate une chute des ventes de freestanding au profit des Table Tops et des Coffee Corners. Actuellement, une majorité d’appels d’offres va dans ce sens », un segment du marché où Rheavendors est leader. Les problématiques liées aux capsules en aluminium en particulier et aux enjeux environnementaux d’une manière globale, est sérieusement appréhendée par Lavazza. « Nous avons mis en place toute une réglementation qui nous engage à reprendre les anciennes machines dont nos revendeurs veulent se séparer. Nous les récupérons gracieusement. D’autre part, nous avons conclu un partenariat avec une enseigne pour utiliser le marc de café en guise de compost : c’est une solution écoresponsable que nous proposons à nos clients », explique Laurence Thébault. « Quant au recyclage de la capsule, nous y travaillons avec beaucoup d’assiduité. En effet, il y a beaucoup de désinformation au sujet du recyclage qui souvent n’est pas optimal : le challenge principal est de séparer les composants de la capsule pour qu’ils soient respectivement traités et réutilisables. Nous ne communiquerons sur l’aspect recyclable de nos capsules que lorsque nous serons sûrs de disposer d’une solution 100 % fiable. Nous mettons un point d’honneur à être transparents sur ce sujet ».
La question de l’accessibilité
En théorie donc, la DA de nouvelle génération offre une multitude de leviers de croissance. Il convient cependant de s’interroger sur leur accessibilité. Les fabricants sont unanimes sur ce point : les nouvelles solutions de communication et de paiement coûtent plus cher, en revanche les prix sont amenés à baisser du fait de la standardisation des technologies. En ce qui concerne les DA « verts », Stéphane Bourdin confirme « qu’on a pu constater une légère augmentation des prix des DA verts dits de dernière génération. Cependant, comme les nouvelles technologies sont amenées à devenir des standards, les prix resteront compétitifs. Au contraire, le prix des gaz non naturels et polluants ont augmenté de 500 % en 5 ans ». L’accès aux nouvelles technologies ne se comprend pas qu’en termes financiers. Quelle est leur appréhension par les gestionnaires ? Pour Raoul Mazeres, dirigeant du groupement Proxi Pause, la technologie qui est réellement en passe de transformer le métier est celle qui permet de modifier les prix à distance : « Elle est encore peu utilisée, mais représente une révolution pour nous, exploitants. En effet, autrefois, une opération promotionnelle engageait une importante mobilisation des effectifs pour se rendre sur les sites et changer les étiquettes. Les systèmes de gestion des prix à distance vont nous permettre de gagner en rentabilité ». D’après lui, le fossé est en revanche amené à se creuser entre les gestionnaires équipés et maîtres de cette technologie et ceux qui ne s’en emparent pas. « Aujourd’hui, un exploitant proactif peut utiliser ces dispositifs pour par exemple combler un déficit de fréquentation en activant une promotion sur une zone et une période définies au préalable ». Selon le chef d’entreprise, les nouvelles technologies sont encore difficiles d’accès et ne se déploieront que lorsqu’une pédagogie réelle sera mise en place afin de transmettre ces compétences. Un propos corroboré par Thierry Collen qui souligne le manque de temps dédié à la formation : « Il y a une vingtaine d’années, un technicien gérait 200 machines. Aujourd’hui, il est en charge du double voire du triple ». Les techniciens sont face à une nouvelle phase de leur métier : « ils sont passés de l’électromécanique à l’électronique, et maintenant à l’informatique… ».