Entre facteurs environnementaux, fonds spéculatifs et pandémie mondiale, les cours du cacao, du café et du sucre sont sous tension, au moins à très court terme. Comme chaque semestre, DA MAG fait le point sur ces marchés avec Nelly Bonnet, Directrice Economie des filières et des marchés de l’Alliance 7.
Le cacao
Alors que la campagne 2019/2020 devait s’achever sur un déficit de 80 000 tonnes, le ralentissement de la consommation dû au Covid a généré un excédent de plus de 40 000 tonnes. Ce ralentissement est surtout perceptible sur les plus gros marchés du chocolat que sont l’Europe et l’Amérique du Nord. La campagne 2020/2021, qui a démarré le 1er octobre, devrait être en hausse de +4,9 % pour atteindre un peu plus de cinq millions de tonnes selon les toutes premières estimations. On s’attend donc à une production record et même si la consommation repart à la hausse, il est prévisible qu’elle soit excédentaire, un facteur de stabilité des prix. Pour autant, des tensions apparaissent sur le très court terme, notamment du fait du retour en masse des fonds spéculatifs. De plus, les deux premiers producteurs mondiaux, la Côte d’Ivoire et le Ghana, sont dans des périodes d’élection présidentielle mouvementées, qui rendent le marché nerveux. Enfin, ces mêmes pays ont mis en application le LID (Living Income Differential), une surprime de $400 à la tonne, sachant que le cours du cacao tourne aux alentours de 2 000 € ($2 370), soit un surcoût de près de 17 %. Destiné à soutenir la filière de façon durable, le LID devrait être accepté sans trop de problèmes, mais il est inflationniste et vient compliquer les négociations des industriels.
Le café
Selon l’ICO, la campagne 2019/2020 se termine sur une production de 169,34 millions de sacs, en baisse de 2,2 % par rapport à la précédente. Dans le même temps, et sous l’effet du Covid, la consommation a baissé notamment en Europe et aux Etats-Unis. Dans cette rétractation de la consommation, Arabica et Robusta ne se com- portent pas à l’identique ; en effet le Robusta a bénéficié de la hausse de la consommation à la maison, où l’on boit davantage de soluble, fabriqué principalement avec cette variété. La consommation ayant été de 168,39 millions de sacs, cela se traduit par un excédent de 952 000 sacs. Les perspectives pour la campagne 20/21 tendent vers un record de production, dépassant la précédente récolte de 9,1 millions de sacs (Source USDA). La production mondiale devrait donc atteindre 176,1 Millions de sacs, dont 67,9 millions de sacs pour le Brésil, répartis à hauteur de 20,1 millions de sacs de Robusta, un record absolu, et de 47,8 millions de sacs d’Arabica. A noter que la parité Réal/Dollar va profiter au Brésil sur le marché mondial. Quant au Vietnam, premier producteur mondial de Robusta, il devrait produire 30,2 millions de sacs, un niveau légèrement en dessous de la précédente récolte record. La demande mondiale devrait augmenter, mais, essentiellement en Union européenne et aux Etats-Unis. Pour l’Europe, la prévision de consommation s’établit à 50 millions de sacs, tandis qu’elle est de 27 millions de sacs pour les Etats-Unis. Les stocks mondiaux devraient augmenter de cinq millions de sacs, cette prévision étant rendue incertaine du fait du Covid et de ses conséquences sur la consommation hors domicile. Les cours sont fermes, des facteurs exogènes créant des tensions, comme les inquiétudes liées à la situation au Brésil ou encore le retour des fonds spéculatifs. Mais ces tensions ne devraient pas dépasser le court terme, les fondamentaux du marché devraient ensuite peser sur les prix en cours de campagne.
Le sucre
Le sucre est sans doute dans un contexte différent. La campagne 19/20 a été au niveau mondial la campagne la plus déficitaire depuis onze campagnes, à – 9,3 millions de tonnes. Les premières prévisions pour 20/21 tablent sur un déficit en fin de campagne, mais moindre que celui de la précédente campagne. Selon l’ISO, la production mondiale de sucre devrait se situer à 173,5 millions de tonnes et la consommation à 174,2 Mt, une consommation qui devrait repartir après s’être tassée du fait des restrictions de déplacement. Cette baisse serait donc au niveau mondial moins structurelle qu’une modification des comportements alimentaires. Dans l’Union européenne, on s’inquiétait de l’état des stocks mais un repli de la consommation de 1,7 % les a regarnis, s’établissant aux alentours de 2Mt (la CEE n’a pas encore publié ses révisés). Pour la campagne 19/20, la production a atteint 17,4 millions de tonnes, en retrait de 1,6 % pour une consommation de 17,051 Mt à -1,7 %. A noter que les surfaces cultivées ont été réduites de 3,4 % et que les rendements ont été plus faibles. En Europe, la production de betterave a été victime de conditions particulières, après la réduction des surfaces, les conditions climatiques ont été défavorables et pour finir, le virus de la jaunisse de la betterave s’est répandu. La campagne en cours, 20/21, devrait accuser encore une baisse de production de 3 % à 16,8 Mt, voire 16,3 Mt selon CGB. Conséquence : l’UE va devenir importatrice nette, or 20 % des importations le sont depuis la Grande Bretagne. Dans le contexte du Brexit et des changements de régime prévisibles, le Royaume Uni va-t-il remettre sur le marché européen l’intégralité de ses importations de sucre récurrentes ? Cela peut être un indicateur à surveiller car si les livraisons vers l’UE n’arrivent pas en temps utile, cela pourrait créer des tensions et influer sur les stocks finaux. Sur le plan de la consommation, l’Europe connaît une tendance structurelle à l’effritement. La fermeture totale ou partielle du CHD risque de dégrader encore la situation. En ce qui concerne la France, à mi-septembre, les prévisions de production de betterave étaient en baisse de 15 % pour 2020/21, soit de 4,1 Mt, contre 4,9 Mt l’an dernier, déficit qui se traduit par une remontée des cours. En synthèse, la campagne en cours est en déséquilibre au niveau mondial ajouté à une contraction de l’offre au niveau européen, les cours devraient donc être plus fermes si la consommation ne s’abaisse pas une nouvelle fois.