Le paiement sans contact se développe en DA pratiquement aussi rapidement que dans les autres commerces. Si les nouveaux systèmes ouvrent la voie à de nombreux avantages pour les gestionnaires, ils amènent également un certain nombre de nouvelles contraintes qu’il faut pouvoir appréhender.
Le constat selon lequel la multiplication des systèmes de paiement évite de rater des ventes et augmente le chiffre d’affaires du gestionnaire tient toujours. Le paiement sans contact s’est imposé à vitesse grand V dans les usages, à tel point que le nombre de transactions par carte bancaire (CB) sans contact a dépassé le milliard en 2017. Pour la DA, les interlocuteurs parlent d’une augmentation du chiffre d’affaires indéniable mais y apportent des nuances après quelques années d’exercice. Pierre Albrieux, Président de la NAVSA et de la SAS Alfragest, expose la réalité du terrain : « Dans des sites mixtes fréquentés à la fois par les salariés et des visiteurs, la CB sans contact entraîne de 15 à 20 % de croissance du chiffre d’affaires. C’est aussi le cas d’un site public comme une université, où la population est constituée de jeunes adultes de moins de 30 ans, d’étudiants et de professeurs qui, en plus de la CB sans contact, se servent des applica-tions Boon et Lydia », explique-t-il. « Le sans contact est profondément générationnel ». Il poursuit la démonstration en prenant l’exemple d’un site privatif, où les 120 cadres supérieurs détiennent un porte-monnaie électronique en système fermé, rechargeable par CB. La moyenne de rechargement constatée est de 300 à 400 euros par mois, soit 2,50 euros par personne. « Les résultats du sans contact sont dans ce cas tout à fait confidentiels », reprend Pierre Albrieux. Un premier paramètre à prendre ici en compte : le sans contact n’est pas fait pour être partout, ni pour tous.
Quelle répartition des solutions ?
L’EVA a mené l’enquête auprès de gestionnaires de toute l’Europe. Le constat est sans appel : « Tous ont répondu que 95 % de leurs DA sont équipés de monnayeurs. Seul un grand gestionnaire en Espagne poursuit l’objectif d’équiper 15 % des machines de lecteurs de cartes cashless en 2019 », rapporte Erwin Wetzel. « Les gestionnaires investissent de plus en plus dans des lecteurs de carte avec et sans contact, mais cette évolution est loin d’être rapide ». Une étude de Mastercard a révélé que la moitié des transactions en CB se fait sans contact en Europe. Chez Dallmayr, Cécile Klein fait état de la croissance de ce type de solutions chez ses collègues : « Mes collègues de Dallmayr en Europe de l’Est, notamment en Pologne et en Tchéquie, m’ont rap- porté que le nombre de paiements par CB sans contact atteint des sommets. En Pologne, cela représente plus de 80 % des transactions par CB ! ». En France, l’étude évoque une progression de 156 % entre 2017 et 2018, certes, mais par rapport à ses voisins européens, elle n’est pas la plus dynamique : le nombre de transac- tions sans contact oscille entre 20 et 26 %. Les CB sans contact en circulation représentant 66 % du parc total, c’est dire la marge de progression qu’il reste, d’autant que d’après l’étude de Mastercard, tous les terminaux du commerce seront équipés de la technologie NFC d’ici à 2020. Autant dire demain ! Pour un gestionnaire, il est vrai que les atouts du sans contact sont séduisants. « Un des premiers avantages consiste à limiter les espèces dans les DA, et donc les tentatives de vandalisme », détaille Pierre Albrieux. « Le paiement par CB induit également une réduction du coût des transports de fonds, sans oublier les temps de traitement, tout comme le contrôle et le recontrôle de fonds. Enfin, par rapport aux espèces, le paiement par CB permet au gestionnaire de gagner 3 à 5 jours sur l’encaissement ». Il reste cependant des inconvénients qu’il convient de maîtriser pour une exploitation sans encombre. D’une part, ces lecteurs sont plus chers. Le gestionnaire investit dans l’achat du terminal, du routeur et souscrit un forfait. D’autre part, ces systèmes induisent le versement d’une commission bancaire qui s’élève généralement à 0,035 % sur chaque transaction, via un lecteur agréé GIE/CB. Enfin, c’est une opération lourde en termes d’administration : il faut en effet un contrat bancaire par automate. Sur le plan technique, les responsables sont confrontés à des mises en service complexes qui nécessitent de la part des fabricants et des gestionnaires un effort conjoint de formation, les premiers en la prodiguant, les seconds en acceptant de dégager du temps pour former leurs techniciens. Ensuite, il est indispensable que les progiciels ou ERP de gestion dont sont équipés les opérateurs permettent d’une part d’intégrer les données remontées des nouveaux systèmes de paiement ; d’autre part d’offrir un système d’échanges sûr avec les organismes financiers pour le rapprochement bancaire des transactions. Denis Groléat, dirigeant de Distrilog, affirme que le rôle des éditeurs de logiciels est de faire en sorte que les gestionnaires puissent gérer des données de provenances différentes. « Il y a quelques années en arrière, les seules données à remonter étaient celles des monnayeurs. Puis sont apparus les premiers systèmes cashless privatifs, et il a fallu s’adapter. Aujourd’hui, nous avons des tas de solutions de paiement : CB avec et sans contact, smartphone… Evidemment, toutes les données de ces différentes solutions de paiement doivent se retrouver dans un seul et même tableau de bord, il n’est pas concevable qu’un gestionnaire doive consulter autant de tableaux que de systèmes de paiement ! ». Un autre effet collatéral des nouveaux systèmes de paiement, vertueux cette fois, se trouve dans le fait que les têtes de lecture associent nativement une solution de télémétrie. Il devient dès lors très intéressant de déployer la télémétrie sur l’ensemble du parc, ce que confirme Denis Groléat : « Quand un de nos clients installe des systèmes sans contact sur son parc, nous l’incitons fortement à mettre en place de la télémétrie en même temps ».
L’application : l’avenir du cashless ?
Parmi les dispositifs sans contact, l’arrivée des applications mobiles a fait beaucoup de bruit. Qu’en est-il de la réalité du terrain ? « Les monnaies électroniques et les applications sont des systèmes qui confinent à une certaine praticité d’achat dans nos points de vente, tout en épousant les usages des consommateurs tels que les Millenials », affirme Karine Dezorthes chez Selecta. « Aujourd’hui, le fait de pouvoir dématérialiser certaines opérations nous permet de gagner en fluidité vis-à-vis d’un grand nombre de manipulations, dont le remboursement par exemple. Ces solutions maintiennent notre lien avec le consommateur, avant, pendant et après l’achat ». Les Millenials sont une cible privilégiée pour Selecta : les solutions de paiement dématérialisées séduisent cette population en ajoutant à l’expérience consommateur autant de confort et de service que de rapidité et de sécurité. « Le back office d’une application permet de suivre le consommateur tout au long de sa journée : on ne perd jamais le lien, de son trajet dans les transports en commun à son entreprise, tout en restant dans le respect de la RGPD ». Cela revient à dire que les données récoltées génèrent une meilleure connaissance du consommateur, comme ses achats, ses moments de consommation, etc. « Cela nous aide en particulier à rythmer nos animations, à lui adresser une offre faite pour lui, en mettant les bons produits au bon moment et au bon endroit », reprend la responsable marketing. Chez Ingenico, Venceslas Cartier reste prudent en évoquant que ce moyen de paiement en public reste très confidentiel en Europe, a fortiori en France. « En Angleterre par exemple, où l’usage du smartphone comme moyen de paiement est bien implanté, notamment grâce aux transports publics, nous constatons qu’il représente à peine 10 % des transactions via Apple Pay, l’application pourtant la plus répandue ». Toujours est-il que les applications mobiles de paiement prennent de plus en plus d’ampleur, notamment auprès des jeunes générations, dont le smartphone est intrinsèquement lié aux modes de consommation, voire à leur rapport au monde : il leur apporte tous les services, tout le temps, instantanément, et les accompagne partout. Ainsi, le fait de payer par téléphone rentre très sûrement dans leurs usages : les applications Lydia et Boon remportent un vif succès auprès des Millenials. « Les applications qui utilisent la technologie NFC sont une sorte de clone de CB. Je vois de plus en plus de gens utiliser ce media pour payer leurs consommations. J’ai constaté une situation dans une clinique où les salariés ont payé au DA le prix public au lieu de payer le prix prévu pour les porteurs du badge de l’établissement », raconte Jérôme Seiler chez LM Control. « Ils ont automatiquement sorti leur téléphone, car ils l’ont toujours sur eux. C’est bien ici le moyen de paiement qui les intéresse, non pas le prix. La conséquence ? Cela permet au gestionnaire d’augmenter son chiffre d’affaires et sa marge ». Malgré une implantation lente, mais réelle, du paiement mobile en France, ce système est amené à prendre de plus en plus d’ampleur. Peut-on raisonnablement envisager un scénario selon lequel il y aurait une application par gestionnaire ? La centralisation des solutions en une seule soulagerait le consommateur d’une logistique lourde, sans parler de la place que plusieurs applications, même légères, peuvent occuper sur un smartphone. Il semblerait qu’Orain ait déjà écrit cette histoire et lui ait trouvé une suite ! (lire article p.32). On peut se demander si les applications sonnent le glas des systèmes sans contact privatifs. Les solutions mobiles qui fonctionnent en Bluetooth telles que Payzily sont une manière de dématérialiser le badge. En plus de pouvoir être rechargé en espèces ou en CB avec ou sans contact (Payzily communique avec le terminal iUC180B d’Ingenico), le back office est l’un des avantages majeurs de ce système de paiement, qui devient aussi outil de fidélisation. « Payzily est une solution génératrice de valeur. Régulièrement, nos clients nous demandent d’équiper ainsi tout leur parc après deux mois de pratique. Ces moyens de paiement qui reposent sur un back office puissant et simple, qui encouragent l’interaction et cimentent la fidélisation du consommateur ajoutés au bancaire entraînent une forte augmentation des ventes, c’est indéniable », expose Jérôme Seiler. Associés à des modules de collecte et de traitement des données 7/24 et à distance pour la plupart, les nouveaux terminaux de paiement permettent au gestionnaire de déployer des campagnes de promotion et des programmes de fidélisation de sa clientèle. A minima, cela sert à récompenser le consommateur. Mais la plupart des solutions permettent de mettre en place un marketing opérationnel plus poussé grâce à un back office complet. La technologie est depuis quelque temps disponible chez plusieurs fabricants tels que Coges (Pay4Vend), CPI (e-vending), ou LM Control (Payzily/Aztek). On trouve également chez GTI la solution Monyx, fonctionnant avec les terminaux de la marque Nayax. Le programme de fidélité intégré permet d’assurer un suivi individualisé des achats et d’offrir par exemple le dixième café. Lorsque le client reçoit son café gratuit, l’application le lui signale en affichant des petites étoiles et en l’inscrivant comme gratuit dans son historique. MONYX est également efficace dans le SAV dû au client, en cas de remboursement notamment. Comme le client est identifié par son mail et son numéro de téléphone portable, il est aisé de lui envoyer un remboursement. Autre option : déclencher à distance un remboursement immédiat à la machine, la vérification de l’échec de transaction étant possible. Enfin, toujours dans une optique de praticité, chaque consommateur dispose d’une liste des machines où il a l’habitude de consommer, chacune étant identifiée par une icône. La liste des machines habituelles s’incrémente automatiquement dès que le code-barres a été scanné. Dans un environnement privatif, le gestionnaire peut personnaliser l’application à ses couleurs et insérer son logo en remplacement de celui de MONYX. En synthèse, MONYX est une application qui va bien au-delà du porte-monnaie électronique en rassemblant des moyens de paiement différents avec des vocations distinctes selon la destination du paiement. Ainsi, l’application mobile présente également de nombreux avantages d’un point de vue pratique puisqu’elle permet de dématérialiser la carte, le badge, etc., donc elle annule le coût du support physique, d’éventuels remplacements en cas de perte, tout en allégeant l’aspect logistique. Cependant, elle implique l’achat d’une licence par utilisateur. « Tous ces systèmes coûtent cher. Il s’agit d’une innovation qui sert à conquérir des marchés certes, mais qui, à mon grand regret, ne permet pas de revaloriser les prix à la machine », développe Pierre Albrieux. Autre point important : une application requiert une connexion Internet. En site public, la connexion peut être mise à mal dans une zone de trafic élevé tels les stations de métro, les gares ou les aéroports. C’est la force de la nouvelle version d’Axis chez Ingenico : Axis Vending. Par ailleurs, cette solution présente la capacité de gérer de fortes volumétries de parcs. Elle permet aussi bien le paiement que le remboursement en ligne instantané par exemple. « Cette solution est pensée pour optimiser l’exploitation de parcs importants, elle centralise toutes les informations », insiste Venceslas Cartier. Autre frein à l’expansion des applications : certains sites privés interdisent l’utilisation du smartphone aux employés. C’est là que les solutions privatives avec un support physique continuent de trouver tout leur sens. « La mise en place du bancaire classique ou sans contact n’a pas cannibalisé les moyens de paiement déjà en place comme les clés ou les monnayeurs », affirme Cécile Klein. « Une intégration harmonieuse avec les systèmes existants s’envisage avec vigilance », prévient-elle avant de conclure : « Les nouvelles solutions sont intéressantes pour nous. Toutefois, si un exploitant s’en sert pour développer du marketing opérationnel, l’aspect ‘communication’ doit être très cadré. Les messages que l’on adresse au client gagnent à ne pas être trop génériques, ni trop intrusifs ».
La question de la sécurité
Tout comme les monnayeurs, les applications mobiles sont soumises, parce qu’elles induisent une connexion Internet, à des failles de sécurité. La DA entre ainsi dans l’ère du vandalisme digital. La nouveauté d’EVOCA, Breasy, qui fonctionne avec le module Hi!, pallie justement ces risques. Sa technologie répond à des protocoles qui font en sorte que la liaison en Bluetooth, autant que la communication avec le serveur, soit inattaquable. « Ainsi, aucune valeur monétaire n’est stockée dans le smartphone de l’utilisateur », indique Olivier Jouet, Chef de produit des solutions numériques. Grâce à Hi!, l’appairage du smartphone via Bluetooth n’est plus nécessaire. C’est également le cas de Monyx (GTI).