Le café se décline aujourd’hui en mode « lent », désamorçant ainsi l’idée selon laquelle il est uniquement la boisson des gens pressés. Dans les coffee shops, majoritairement indépendants, la tendance s’installe de plus en plus. Raisons d’un succès inattendu.
On a souvent comparé l’univers du café à celui du vin, jusqu’à qualifier le barista d’ « œnologue du café ». Les méthodes douces subliment tous les arômes du grain de café que l’extraction rapide peut masquer. Le « Slow Coffee » est donc une offre complémentaire permettant de déguster le café autrement. A L’univers des Saveurs, selon Gaëlle Faye et sa collaboratrice Laetitia, « il regroupe deux tendances du moment : le vintage et le cocooning. Nous revenons à la méthode de nos anciens comme la traditionnelle cafetière filtre ou encore la cafetière à dépression, plus conviviales. On prend le temps ». Les torréfacteurs s’accordent à dire que ce type d’extraction correspond à une consommation moins quotidienne que réservée au week-end, dans un cadre plus intime. Le « Slow Coffee » trouve en revanche une large cible, puisqu’il attire aussi bien les curieux que les aficionados. Il va jusqu’à séduire les non-consommateurs de café qui se laissent volontiers aller à toute une palette de textures et de nuances aromatiques différentes. Chez 4uatre Coins, la tendance « Slow Coffee » relève d’un « life style » : « Il s’agit d’une méthode qui rentre dans les habitudes de nos clients, elle s’est intégrée à leur façon de vivre, ils prennent le temps, un peu à la façon du rituel du thé en Angleterre », nous dit une des gérantes. Par ailleurs, Marie Bisseuil, de Maxi Coffee, indique qu’il y a « un effort de pédagogie à faire. Pour nous, le barista parle, à l’instar du sommelier, de terroir, de dégustation, de rendu organoleptique. A travers notre blog ou notre magazine, nous nous faisons le porte-parole de cette culture. La France est très en retard, par rapport aux USA ou à l’Australie qui utilisent notamment les méthodes ‘cold brew’ pour la cuisine ou pour développer une carte de boissons froides aromatiques, en parallèle d’une offre de jus de fruits par exemple. On ignore trop qu’il y a une multitude de façons de boire le café ».
Rituel et transmission
Effectivement, le « Slow Coffee » bénéficie d’un traitement particulier de l’ordre du cérémonial, dont il faut transmettre les codes aux clients des coffee shops. Edouard Soumagnac, des Cafés Soumagnac, explique que « nous sommes en train de revenir à un rituel autour du café, comme dans le thé. En prenant le temps de la préparer, on réinvente la pause-café. On doit d’abord choisir sa mouture, la faire infuser, essayer d’obtenir le cône parfait avec son filtre, etc. La préparation en elle-même constitue une bonne raison de se retrouver. La société arrive à saturation de plusieurs phénomènes, ce qui entraîne un retour à la sensation, et au partage ». La mise en valeur d’une telle offre passe donc par toute une dimension de conseil de la part des employés d’un coffee shop, et par une proximité du client avec le barista, ce qui lui permettra d’observer la technique employée pour la reproduire ensuite chez lui. Les Cafés Pfaff, qui viennent d’ouvrir une boutique à Paris, organisent par exemple des ateliers de « cup testing » où les clients testent six cafés très différents en termes d’arômes afin de leur faire comprendre que chaque terroir confère une complexité aromatique spécifique à un café. Ils mettent en scène l’évolution du café en grains, du café moulu, puis du café infusé quatre minutes dans une cafetière piston.
Une offre alternative
Le « Slow Coffee » s’invite de plus en plus dans les endroits dédiés grâce à une mise en scène toujours plus marquée et marketée : des îlots consacrés à cet univers trônent dans les boutiques, comme bientôt chez Maxi Coffee, permettant aux clients d’investir complètement cette méthode. Les coffee shops multiplient leurs prérogatives en étant pourvoyeurs de conseil, en poussant la dégustation in situ et en rendant les clients autonomes par la vente de matériel. La tendance « Slow Coffee » permet donc de développer une carte de boissons chaudes et froides originale et sans cesse dynamisée par les origines différentes. Le cold brew notamment offre la possibilité de travailler le café à froid, et donc de déployer ses arômes en cuisine, voire même dans des préparations salées. En effet, l’incorporation est plus aisée par rapport au café infusé à chaud. Coffea par exemple lance une gamme de cafés et de thés glacés pour la saison estivale. Les professionnels de cet univers tendent à faire découvrir aux consommateurs plus ou moins avertis les notes plus florales et organiques de la graine de café soumise à un traitement doux. L’Arbre à café se laisse aller à un peu de prospective : « La tendance slow coffee va évoluer : plus les techniques vont se perfectionner, plus on sera en mesure de découvrir de nouvelles saveurs », affirme la barista Fanny Pardes. « Le filtre notamment, spécialité française plus connue sous le nom de French Press, peut également être amené à se démocratiser, jusqu’à trouver dans le commerce des filtres prêts-à-l’emploi ».