En choisissant de se positionner sur le créneau des cafés d’exception depuis dix ans, la maison de torréfaction artisanale construit son succès sur le long terme. Rencontre avec Christophe Servell, son fondateur.
Pourquoi avoir choisi de vous imposer sur la niche des cafés de spécialité ?
Il s’agit avant tout d’une question de conviction et de passion. L’histoire, la rareté et la qualité de ces cafés exigent que l’on considère toute la chaîne de production, jusqu’à repenser le modèle économique en fonction de l’environnement et des hommes dont ils sont issus. Notre démarche va à contre-courant des modèles de rentabilité intensive, impliquant l’utilisation d’intrants et autres composés chimiques qui appauvrissent les sols et donc les ressources, aussi bien que les agriculteurs.
Comment vous y employez-vous ?
Notre « cahier des charges » repose sur des pratiques sociales et durables. Nous nous appliquons ainsi, depuis le début, à travailler main dans la main avec les producteurs. Nous visitons nos fermiers le plus régulièrement possible et tissons des liens de confiance avec eux. Cela nous permet de mettre en place des programmes autour de la gestion de l’eau ou encore de reforestation. Il s’agit pour nous de créer une filière vertueuse, dans un contexte où l’explosion de la demande globale met en danger l’avenir du café.
Qu’entendez-vous par là ?
Les cours du café n’ont jamais été aussi bas depuis les années 60. On se retrouve dans une configuration où l’industrie peut acheter des cafés à un prix dérisoire qui ne permet pas aux fermiers de vivre correctement de leur travail. Cela a un énorme impact sur la pérennisation des savoir-faire d’une part, les agriculteurs partent à la ville trouver un travail plus rémunérateur et donc abandonnent leurs cultures ; d’autre part, la production intensive couplée au réchauffement climatique dérèglent l’environnement propice à la culture du café.
Le marché des cafés de spécialité est-il arrivé à maturité selon vous ?
C’est un marché qui existe et qui atteindra selon moi sa pleine maturité d’ici à dix ans. La production intensive de café que l’on connaît actuellement ne pourra pas durer, pour les raisons écologiques, économiques et humaines que j’évoquais précédemment. De plus, les consommateurs exigent non seulement de la qualité mais aussi de la traçabilité. Le marché va donc devoir se renouveler, car il est actuellement coincé entre ces contingences pratiques et la prise de conscience éthique qui impacte les comportements de consommation. Selon moi, dans un avenir proche les cafés de moyenne et haute altitude seront par conséquent soumis à une forte demande.
Comment préparez-vous cette croissance attendue ?
En continuant de trouver des solutions pour installer une filière café saine pour tous. La niche des cafés de spécialité est extrêmement active en termes de R&D. Les technologies et les techniques évoluent, et ouvrent ainsi des possibles. Ce segment s’avère ainsi très dynamique et stimulant.
Une filière « saine » dépend-elle des efforts de pédagogie que vous engagez constamment ?
Tout à fait. D’autant que les consommateurs sont curieux, posent des questions, tout comme les professionnels avec qui nous travaillons. L’information est un travail quotidien qui tend à valoriser nos savoir-faire. Nous déployons donc ce travail de vulgarisation dans tous les canaux de distribution que nous avons investis, à commencer par nos points de vente et notre site marchand.
Idem pour votre clientèle professionnelle ?
Absolument. La dégustation est une étape-clé, car c’est essentiel que les responsables d’établissement ou les décideurs en entreprises se rendent compte par eux-mêmes de la qualité de ces cafés. Elle constitue en effet un élément de différenciation et de valorisation. Nous mettons en outre à la disposition de nos clients une PLV à visée pédagogique.
Pensez-vous que le fait que les cafés de spécialité coûtent plus cher soit un frein ?
L’idée selon laquelle les cafés de spécialité sont inabordables est fausse, le delta est vraiment raisonnable par rapport au niveau de qualité exceptionnelle de ces produits. Je remarque dans nos boutiques que les particuliers sont désormais prêts à acheter à un prix supérieur. Nous ne rencontrons pas non plus de problème auprès des établissements de restauration et d’hôtellerie haut de gamme avec lesquels nous travaillons, car ils sont déjà engagés dans une démarche de qualité. Les entreprises quant à elles envisagent la prestation café comme faisant partie intégrante de leur cahier des charges RSE, elles sont ainsi plus enclines à choisir un café un peu plus cher, pourvu qu’il soit éthique.
Même en DA ?
Nous avons une demande très confidentielle, car c’est un canal dominé par la question du prix. Nos revendeurs sont ainsi plus frileux à l’idée de proposer nos produits, alors que je suis convaincu comme je l’exprimais à l’instant que le client final est mûr pour le léger surcoût.